SOCIABILITÉ (FORMES DE)

SOCIABILITÉ (FORMES DE)
SOCIABILITÉ (FORMES DE)

Toute unité collective réelle implique de multiples manières, pour les individus, d’être liés au tout et d’être liés entre eux, c’est-à-dire de multiples formes de sociabilité. Ce dernier terme recouvre à la fois ce que Durkheim appelait les formes de la conscience collective et ce statut de l’identité personnelle qui permet à chacun d’être un sujet différent des autres sujets et en rapport avec eux.

Sociabilité et société globale

La grande tradition sociologique, lorsqu’elle a pris en compte la question des formes du lien social, s’est attachée à mettre en relation types de sociabilité et phases historiques, en y ajoutant généralement un système d’évaluation qui s’appuyait sur une philosophie de l’histoire.

C’est vrai d’Auguste Comte et de sa division de l’histoire de l’humanité en trois âges. C’est vrai de Karl Marx qui, décrivant les divers visages de l’aliénation dans une histoire qui est celle de la lutte des classes, montre quelles mutations amènent l’avènement du capitalisme, lequel déchire «les liens multicolores qui attachaient l’homme à son supérieur naturel dans la société féodale». «Frissons sacrés et pieuses ferveurs, écrit-il dans le Manifeste communiste , enthousiasme chevaleresque, mélancolie béotienne sont noyés dans l’eau glacée du calcul égoïste.»

C’est vrai de Durkheim qui, distinguant les sociétés à solidarité mécanique (faible différenciation entre individus et forte cohésion interne par la participation au tout) et les sociétés à solidarité organique (où la division du travail social entraîne l’avènement de la personne), trace une évolution qui mène de l’archaïsme communautaire à l’individualisme moderne.

C’est également vrai de F. Tonnies qui oppose la communauté (Gemeinschaft ), enracinée dans les profondeurs de la nature et les liens du sang, à la société (Gesellschaft ) où règnent les rapports contractuels et la loi écrite; une différence de sociabilité semblable à celle dont parle ce personnage de L’Otage , de Paul Claudel, récusant la nouvelle société née de la Révolution française et regrettant la société traditionnelle féodale:
DIR
\
Je regarde autour de moi et il n’y a plus[de société entre les hommes, Mais seulement la «Loi», comme ils disent, et le texte impriméà la machine, la volonté inanimée, idole stupide.Où est le droit il n’y a plus d’affection. /DIR

C’est vrai, enfin, de Riesman qui rapporte les trois grands types de personnalité qui sont autant de formes de sociabilité: la personnalité tradition-directed , la personnalité inner-directed et la personnalité other-directed , à trois types de sociétés qui se succèdent dans l’histoire.

Cette façon d’envisager la sociabilité dans son seul rapport à des types de sociétés globales apparaît aujourd’hui schématique au sociologue qui sait qu’une société implique une multiplicité de groupes intermédiaires, stables ou éphémères, dans lesquels se manifestent des formes très diverses de sociabilité, de sorte que celles-ci coexistent dans l’espace social et dans le temps historique et ne sauraient être réduites à l’Un. Sans doute l’approche macrosociologique demeure fondamentale car, au-delà des particularismes par lesquels les groupes se distinguent et s’opposent, l’unité d’une conscience collective s’impose à l’observateur qui ne peut ainsi oublier qu’une société est autre chose qu’une mosaïque de familles, de classes, de clubs ou d’associations. Mais il est vrai que l’approche globale se prête trop souvent à un traitement journalistique facile où les couplets sur la déréliction des sociétés modernes, atomisées et sans consensus, s’accompagnent des prophéties les plus apocalyptiques sur la civilisation de masse et son caractère moutonnier.

Lorsque Gustave Le Bon étudie la foule et nous montre comment les individus s’anéantissent au profit d’une âme collective «qui les fait sentir, penser et agir d’une façon tout à fait différente de celle dont sentirait, penserait et agirait chacun d’eux isolément» et lorsqu’il explique ce fait par la suggestibilité et par la contagion mentale, il nous propose une analyse, rudimentaire certes, mais qui prend en charge un problème réel. Cependant lorsque, extrapolant ses observations, Le Bon écrit, avec cette sorte de frisson du bourgeois offusqué et transi qui découvre l’entrée des masses sur la scène politique: «L’âge où nous entrons sera véritablement l’ère des foules ... La voix des foules est devenue prépondérante. Elle dicte aux rois leurs conduites. Ce n’est plus dans les conseils des princes mais dans l’âme des foules que se préparent les destinées des nations», on peut trouver que le pas est franchi qui mène de l’observation à l’opinion, de l’analyse mesurée à la démesure idéologique. Encore que l’histoire contemporaine nous interroge sur ces moments de rupture où le social semble s’abolir dans le psychologique, ces moments où un peuple devient foule, dans l’effervescence des mystiques politiques.

Au préjugé qui réduit la sociabilité à ses manifestations de dimension macrosociale s’ajoute un autre préjugé, d’ordre épistémologique, qui incite le sociologue à ne voir en elle qu’un simple épiphénomène, l’effet de structures sociales ou de processus sociaux situés en un autre lieu, désigné comme lieu du réel social. Ainsi Marx cherche-t-il la cause de la sociabilité et de ses formes et, d’une façon plus générale, l’origine des idéologies, dont la sociabilité dépend, dans la nature et le jeu de l’infrastructure économique. Ainsi Durkheim évoque-t-il le volume et la densité d’une société, l’évolution de la courbe démographique, tous processus justiciables d’une approche «objective».

C’est qu’il y a une suspicion du sociologue devant les phénomènes psychiques et que, mis dans l’alternative d’une psychologisation du social par sa réduction à l’interpsychologie telle que Tarde l’a opérée et d’une sociologisation des phénomènes psychiques qui les réduit à n’être que des effets de faits «objectifs», il opte, en général, pour la seconde solution. Aussi laissera-t-il à la psychologie sociale le soin de prendre en compte les configurations et la dynamique de la sociabilité dans les seuls groupes restreints, sans que les conclusions auxquelles elle aboutit soient susceptibles d’une quelconque extrapolation aux collectivités plus étendues, qui sont soumises à d’autres déterminismes.

La microsociologie

Il est certain que la psychologie sociale a fait des microsociabilités un objet privilégié de ses recherches. Ainsi Charles H. Cooley qui, définissant les groupes primaires «caractérisés par l’association et la collaboration intime d’homme à homme», y étudie les types de rapports interindividuels et énonce: «l’association psychologique intime entraîne un certain degré de fusion des individualités dans un ensemble commun, de sorte que le «moi», au moins à certains points de vue, réside dans la vie commune et les objectifs communs du groupe. Peut-être la manière la plus simple de décrire ce sentiment d’une totalité est de dire que le groupe est un «nous». De la même façon J. L. Moreno réduit les manifestations de la sociabilité aux répugnances et aux attirances entre les individus et les groupements et construit des sociogrammes, c’est-à-dire les structures affectives groupales. Plus systématiquement encore, K. Lewin étudie le champ social pour y montrer la distribution des forces qui s’y manifestent, c’est-à-dire des rapports dynamiques qu’entretiennent les parties qui le composent.

Il reste qu’on est en droit de trouver illégitime le souci d’expliquer le fonctionnement social général à partir de ce que révèle l’observation faite sur des petits groupes souvent artificiellement constitués. On ne saurait, en effet, isoler les petits groupes réels, de la société dans laquelle ils s’insèrent et dont il reçoivent la marque, voire la loi.

Certes, le système global ne peut fonctionner que par l’intermédiaire des systèmes de relations et des ensembles de groupes élémentaires dans lesquels sont insérés les individus. C’est ce qu’a montré la sociologie des communications de masse lorsqu’elle a établi contre les hypothèses de Serge Tchakhotine (Le Viol des foules ) que les médias de masse comme la radio et la télévision (sources de sociabilité) n’influencent pas directement l’individu, dans un rapport vertical à l’émetteur, mais qu’ils n’agissent que filtrés par des relais sociaux.

Cela n’implique pas pour autant que l’on puisse passer d’une échelle à l’autre. Quelque complexe que soit la dialectique entre groupes restreints et société, la primauté de cette dernière paraît devoir être affirmée.

L’observation des petits groupes a cependant montré comment l’inconscient des sujets est intensément mobilisé et participe à la dynamique des groupes. Or rien n’interdit d’étendre les conséquences de cette découverte d’une affectivité groupale à l’examen des phénomènes sociaux. L’analyse microsociologique valide en effet la notion d’une économie libidinale dans laquelle la sociabilité se soutient du rejet de la pulsion de mort, de la dérivation des fantasmes de rivalité, de la constitution d’une identité collective que partagent les individus unis entre eux par un lien libidinal; et ces phénomènes, que le socio-analyste découvre dans la dynamique des petits groupes, se retrouvent sous une forme issue de glissements et de transpositions dans les organismes sociaux les plus vastes. Quant à la question de la dévalorisation, par la sociologie classique, des formes de sociabilité, dans lesquelles elle ne veut voir que le domaine du vécu, de l’illusoire, l’avers subjectif du réel social défini en termes de faits, il paraît contestable d’établir une frontière qui divise le champ des phénomènes en phénomènes réels justiciables d’un traitement objectif-scientifique et phénomènes dérivés, qui, ne possédant pas leur intelligibilité propre, sont passibles d’une simple description. S’agissant de ces derniers, la recherche se bornera uniquement à dégager les causes productrices de l’idéologie, de la conscience sociale et, plus généralement, des divers ordres symboliques.

Le Nous

Dans ce jeu où le sociologue voit s’opposer individu et société, réel et irréel, infrastructure et superstructure, la nature du Nous semble indiscernable.

La distinction de l’infrastructure et de la superstructure notamment ne tient pas compte du fait qu’il n’y a de réel social que par l’inscription dans le champ des significations. Or, l’on sait que, d’une certaine façon, le social renvoie à un Nous, foyer du sens, d’où les sujets sociaux, les groupes et les pratiques tirent ensemble leur réalité symbolique et le jeu de leurs relations.

La séparation individu-société mène à des impasses comparables, quel que soit le terme privilégié.

Ne voir dans les formes de sociabilité que les divers aspects du contrat que passeraient les hommes entre eux, en vue d’une utilité commune, équivaut à reprendre, dans le domaine de la sociologie, des conceptions élaborées dans une tout autre perspective par les théoriciens du «droit naturel» qui réduisent le Nous au résultat ou à la résultante des relations calculées entre partenaires sociaux. C’est oublier que toute association présuppose, chez les partenaires, le partage d’un langage et l’accord sur les règles (c’est-à-dire les valeurs), toutes choses qui renvoient à un Nous préalable à l’association et condition de sa possibilité. Au reste, il suffit de s’interroger, dès son énonciation, sur la nature du «Je» pour y découvrir la dimension latente du Nous. À moins de réduire la revendication du «Je» à l’affirmation vide «Je suis Je» le «Je» s’inscrit toujours dans un groupe, dans une classe d’où il tire sa propre identité personnelle: «Je suis français», «Je suis étudiant», «Je suis femme», etc., toutes formes d’une appartenance à un transindividuel qui permet à l’individuel d’être décliné (je, tu, il...).

La position inverse, conforme au positivisme sociologique, ne saurait satisfaire non plus. C’est qu’elle ne substitue pas le Nous au Je, mais la société, posée comme entité, différente de toutes les subjectivités qu’elle intègre, et également étrangère à toute subjectivité transindividuelle. En fait, si l’on doit accepter en dehors de tout psychologisme et de tout sociologisme l’antériorité logique du Nous qui d’ailleurs ne peut être posée que dans le champ du symbolique sur le Je, nous devons, en même temps, reconnaître que ce Nous est lui-même un Je, et un Je qui ne peut s’affirmer que sous la forme d’une pluralité des Nous. Ainsi le Nous de la tribu recouvrira-t-il les Nous qu’engendrent par exemple la division des sexes, la différence des générations... En même temps, le Nous ne se posera qu’en s’opposant à ce qui est son extérieur, son «autre»: l’étranger.

L’analyse du Nous est inséparable de celle des fonctions du langage, comme en témoigne le livre de J.-P. Faye sur les Langages totalitaires (1972). Il y étudie la formation du système de langage des mouvements fascistes en se montrant particulièrement attentif aux actes de paroles où se cristalisent une identité collective et une communion solennelle, au moyen de la circulation et du partage de ces signifiants clefs qui permettent l’investissement de la libido groupale. Ainsi la formule «État totalitaire» ou la formule «national-socialisme» nouent les charges affectives du nationalisme, du socialisme, du conservatisme et de la révolution qu’un dignitaire du mouvement a pu condenser en une formule: «Nationalisation du socialisme et socialisation du nationalisme dans le conservatisme révolutionnaire.»

Ce Nous, sous quelque forme et à quelque niveau qu’on l’appréhende, implique une dynamique complexe d’attraction et de rejet, d’identification et de projection, de communion et d’hostilité, dont on peut voir les mécanismes fonctionner avec une clarté simplificatrice, parce qu’ils s’y manifestent d’une façon exacerbée, dans les mouvements idéologiques militants qu’ont connus et que connaissent les Temps modernes: léninisme, fascisme, nazisme, stalinisme, maoïsme, intégrismes religieux...

Deux moments caractérisent la dynamique par laquelle s’institue la communauté idéologique. En premier lieu, les individus se constituent en «sujets de la communauté» dans et par leur rapport à un Sujet absolu. C’est ce qu’énonce Louis Althusser, se référant à Freud: «Toute idéologie est centrée. Le Sujet absolu occupe la place unique du Centre et interpelle autour de lui l’infinité des individus en sujets, dans une double relation spéculaire telle qu’elle assujettit les sujets au Sujet, tant en leur donnant, dans le Sujet où tout sujet peut contempler sa propre image (présente et future), la garantie que c’est bien d’eux et bien de Lui qu’il s’agit.» Les individus se reconnaissent comme membres de la communauté idéologique à partir de leur commune participation à ce qui les légitime en les assujettissant: Dieu, la Nation, la Classe, le Parti... Ce Sujet est ce par quoi chacun assure son identité personnelle parce qu’il est ce par quoi la signification est supposée venir au monde.

En second lieu, et corrélativement à ce mouvement d’assomption, il y a un mouvement inverse où le groupe assure son unité en s’opposant à ce qui n’est pas lui, voire en instituant imaginairement l’Autre inverse du Sujet, érigé en source des significations négatives, origine du mal et porteur de mort. Que serait une communauté idéologique sans ce renforcement que lui donne la dénonciation de l’Ennemi, de l’Hérétique? Comme le dit Freud dans Malaise dans la civilisation : «Il est toujours possible d’unir les uns aux autres par les liens de l’amour une plus grande masse d’hommes, à la seule condition qu’il en reste d’autres en dehors d’elle pour recevoir les coups... Le peuple juif, du fait de sa dissémination en tous lieux, a dignement servi, de ce point de vue, la civilisation des peuples qui l’hébergeaient.»

À cette analyse de la dynamique du Nous peut s’ajouter une typologie des différentes formes et des différents degrés de ce Nous, l’accent sur l’unité du phénomène, sa nature libidinale demeurant très forte derrière sa diversité. C’est ainsi que Georges Gurvitch, qui a retenu comme critère la relation entre la conscience individuelle et la conscience collective, a distingué, en fonction du degré de fusion des individus dans le Nous identifié à «un tout irréductible à la pluralité de ses membres, une unité indécomposable où cependant l’ensemble tend à être immanent à ses parties et les parties immanentes à l’ensemble»: la masse : degré du Nous le plus faible en fusion et le plus fort en pression; la communauté , degré de fusion moyen et dans lequel l’attraction et la pression s’équilibrent; la communion , degré de fusion le plus intense et dans lequel l’attraction est la plus forte et la pression la plus réduite.

Ainsi que l’on peut le remarquer, l’intensité de la fusion dans le Nous et la pression ressentie par ses membres sont en rapport inverse. Dans la communion, où le Nous se resserre en s’intensifiant, le Moi, dans l’exaltation de sa participation, a le sentiment de s’affranchir de la pression.

Ces analyses du Nous, c’est-à-dire des formes du lien social, ne sauraient être séparées de l’apport de Freud avec «Psychologie collective et analyse du moi» (1921), contenu dans les Essais de psychanalyse , où il étudie deux institutions: l’armée et l’Église. Freud s’y efforce de mettre en place une théorie qui réduise le champ de l’individuel et le champ du collectif à un seul: celui de la structure libidinale, de l’économie libidinale, grâce à l’introduction d’un nouveau concept: l’inconscient.

L’essence de la sociabilité

Partant de la description que donne Gustave Le Bon de la foule, Freud écrit: «Puisque les individus faisant partie d’une foule sont fondus en une unité, il doit bien y avoir quelque chose qui les rattache les uns aux autres et il est possible que ce quelque chose soit précisément ce qui caractérise la foule.» Quand on sait que sous la notion de foule Le Bon met des formes diverses d’institutions sociales et de groupes, aussi bien un jury de tribunal qu’une secte politique ou qu’une caste militaire et une classe sociale, on comprend que la problématique qu’y relève Freud est bien celle des formes du lien social, dans toute leur variété et leur extension. L’originalité est que la sociabilité est appréhendée à partir des investissements libidinaux et de ses déplacements ainsi que des types de demandes qui s’y manifestent.

Le lien social se diversifie par des arrangements et des distorsions qu’il faudrait repérer mais qui sont d’abord ceux d’une structure libidinale découverte dans le lieu de la famille. Cette référence au système familial fait problème à différents égards. D’abord parce que dans une famille les liens se tissent entre acteurs réels qui jouent le rôle du père et de la mère, alors qu’au niveau des formations collectives élargies le processus d’identification porte souvent sur des acteurs imaginaires ou absents. Ici intervient la nécessité de prendre en compte les modifications de l’économie libidinale lorsqu’elle fonctionne sans leader visible, voire lorsqu’elle investit – comme Freud le note – l’organisation sociale elle-même et son idéologie. Pourtant, tout en insistant sur la présence indépassable de l’Œdipe, Freud met au premier plan de «meneur», celui-là même qui aime d’un amour égal tous les membres de la communauté et permet l’identification, par sa médiation, des individus entre eux.

Élucider la nature de la sociabilité implique donc que soit élucidée la nature et le rôle symbolique du «meneur». Le leadership ne saurait résulter de la personnalité du meneur et du pouvoir mystérieux qui lui serait attaché de fasciner et de suggestionner. Laissons à Gustave Le Bon ses spéculations sur l’hypnotisme. La dimension psychologique personnelle d’un leader cesse raisonnablement de pouvoir être invoquée dès qu’il s’agit de sociabilité à l’échelle globale. À ce niveau, même un chef charismatique n’existe qu’en tant qu’il devient le moyen, pour une collectivité qui voit son identité menacée de se dissoudre, de conforter ou de restaurer celle-ci.

Le chef ainsi incarné fonctionne moins comme personne que comme symbole. Cette «incarnation» du symbolique, cette «mise en représentation» ne sont en fait possibles que parce que la relation au symbole n’est, elle-même, jamais une relation désincarnée.

Dans le Nous, le symbole d’où procède l’identité de chacun et du Tout, même quand il est un «abstrait» – comme la patrie, la classe ouvrière, Dieu ou tout autre –, est un objet brûlant d’affectivité parce qu’il est le représentant du Père dont nous parle Freud dans Totem et Tabou ; ce Père qui ne le devient que dans le meurtre qui l’abolit comme être particulier pour l’ériger en Père symbolique, indestructible d’être mort.

Les formes de la sociabilité, sous les avatars qu’elles peuvent connaître, nous renvoient à la relation au totem et à la relation au tabou. Plus profondément, elles nous rappellent que le social ne peut être entendu qu’à partir de l’acte épistémologique par lequel le Nous est posé comme fondement et foyer des significations. Mais ce Nous n’a lui-même de sens qu’en référence à cette «autre» chose qui le rend possible: le symbolisme.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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